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mardi 12 mars 2019

Recevoir le féminin pour dépasser la blessure du péché originel

Gabrielle Vialla propose, dans son dernier livre, une méditation dense sur la femme dans la société et dans l’Église. Elle plaide pour une relation harmonieuse entre l’homme et la femme, en présence de Dieu. Une réflexion à la fois profonde et lucide.

« La relation homme-femme demande à être purifiée, comprise, aimée ». C’est à une compréhension plus fine et plus juste du rapport entre homme et femme que nous invite Gabrielle Vialla, mariée et mère de famille nombreuse. Une démarche nécessaire, car la disharmonie entre hommes et femmes est bien réelle. Cet état de fait permet à l’auteur de reconnaître chez des féministes telles que Simone de Beauvoir une « rébellion compréhensible ». En effet, le féminisme offre une fausse solution à un vrai problème. Ainsi le féminisme échoue à identifier la véritable cause de la dysharmonie qui touche la relation homme-femme: celle-ci résulte du péché originel.
La réflexion de l’auteur s’ancre tout d’abord sur les données bibliques. Pour commencer, elle propose d’approcher les rapports de l’homme et de la femme à la lumière de la Révélation. La Genèse rapporte que l’homme (ou plutôt l’être humain) est créé comme homme et femme (Gen 1, 27). Et selon Jean-Paul II, c’est dans l’ « unité des deux » qu’ils sont « appelés à vivre une communion d’amour » et à être ainsi « image de Dieu ». Leur distinction est un acte créateur qui doit permettre une « circulation vivante » entre eux, une véritable réciprocité qui implique Dieu Lui-même dans la relation d’amour qui les unit. Là, l’homme et la femme se donnent l’un à l’autre et, chacun avec ses propres ressources et ses caractéristiques, ils se soutiennent et constituent un appui l’un pour l’autre.
Le péché originel met un terme à la réciprocité qui unit l’homme et la femme dans une circulation d’amour sans cesse renouvelée: il blesse profondément leur relation. Et la chute s’accompagne de lourdes conséquences, particulièrement défavorables à la femme: « Ton désir se portera vers ton mari, et lui, il te dominera » (Gen 3, 16). La dysharmonie s’installe alors. L’homme, pourtant, n’est pas épargné: la rupture entraînée par le péché originel diminue cruellement sa propre dignité. Sans la reconnaissance nécessaire de la femme, il ne peut plus jouer son rôle protecteur et structurant. Il perd aussi cette aide précieuse par laquelle il pouvait se réaliser et lui permettre d’exister en tant qu’homme: la femme dans toute sa dignité.

Rétablir la réciprocité

Gabrielle Vialla propose alors des pistes de solution pour rétablir l’harmonie perdue entre l’homme et la femme. Elle examine également les nombreuses traces du péché originel dans notre monde actuel, telles que la généralisation de la contraception. De plus en plus de femmes, d’ailleurs, dont certaines s’affirment en même temps comme féministes, rejettent aujourd’hui la contraception hormonale. C’est un phénomène très récent et tout à fait indépendant de considérations morales ou religieuses. Dans le discours de ces femmes, la référence religieuse est en effet absente et elles ne prônent pas pour autant la chasteté, loin s’en faut. Simplement, elles ressentent la contraception comme une pratique invasive, qui ne respecte pas leur cycle naturel et leur santé.
Or pour Gabrielle Vialla, le rythme naturel du cycle féminin ouvre justement sur le respect de la femme en tant que femme. « Simone de Beauvoir pensait que la femme subit son destin physiologique ‘comme une histoire étrangère' », fait remarquer l’auteur. A contrario, « l’accueil de son cycle permet à la femme de le comprendre non comme une histoire étrangère mais comme une porte ouverte sur la connaissance d’elle-même et l’acceptation de sa vocation à la maternité naturelle et spirituelle ».
Elle dénonce en outre la « culture de mort » dans laquelle nous sommes plongés, comme en témoignent la banalisation de l’avortement. Cette culture de mort va à l’encontre des intérêts réels des femmes: « La culture de mort se vit d’abord au détriment de la femme, parce que celle-ci est le sanctuaire de la vie », affirme-t-elle. « Il ne peut y avoir de culture de vie sans accueil de la féminité dans sa réalité ».
Il est donc nécessaire de rétablir le lien entre procréation et sexualité, mais aussi de revaloriser la femme au foyer, pour le temps qu’elle consacre à ses enfants: un don gratuit en lien évident avec ses qualités spécifiquement féminines. Gabrielle Vialla rappelle aussi la difficulté, pour de nombreuses femmes, de concilier monde du travail et vie de mère.
« Quels seront les fruits d’une époque où la femme est devenue un danger pour le féminin? Quelques-unes d’entre nous choisiront-elles de résister par une attirante radicalité tirée de l’évangile de la vie [encyclique et expression de la Jean-Paul II], en faisant fructifier leurs talents? »

Sacerdoce des femmes

Enfin l’auteur évoque la question du sacerdoce des femmes. Pour elle, la Vierge Marie offre un modèle de « vocation eucharistique » proprement féminin et distinct de la prêtrise: « Le fait que le sacerdoce soit réservé aux hommes permet de mettre en lumière une distinction qui fait apparaître un mode eucharistique féminin, disons marial ». Celui-ci consiste à accueillir librement Dieu, tout comme Marie qui accepte de recevoir Dieu en elle lors de l’Annonciation. Plus tard, au pied de la Croix, Marie recevra encore le corps du Christ entre ses bras maternels.
Or la maternité permet aussi à la femme de se donner. La maternité (physique ou spirituelle) est, pour la femme, l’expression du don gratuit. La mère mérite pour cela une immense gratitude. D’une manière unique, l’homme vit le don de soi en pure gratuité dans le sacerdoce: « Le prêtre, par les sacrements de l’Eglise, est un canal de grâce pour la femme. Le temps passé à baptiser, à confesser, est un cadeau gratuit. D’une certaine façon la femme ne peut s’acquitter, elle aussi de cette dette que par la gratitude envers cet aspect de la masculinité ». La mère et le prêtre expriment en cela deux manières de se donner, de rejoindre le Christ dans le don total de lui-même: l’une à l’image de Marie, l’autre à l’image de Jésus. « La contemplation du mystère eucharistique permet de recevoir la nécessaire distinction de deux présences masculine et féminine: sacerdotale et ministérielle, mariale et cachée, ainsi que leur unité dans le corps mystique de l’Eglise », note l’auteure.
Il existe par ailleurs un lien terrible entre le constat d’une société sans pères, où le sacerdoce est en péril, et les nombreuses blessures infligées à la femme dans sa vocation à la maternité. Gabrielle Vialla pointe dans les deux cas un « défaut de gratitude », une incapacité à reconnaître le don immense qu’offrent la mère et le prêtre en accomplissant leur vocation.
« Hommes et femmes, lisons avec gratitude ces pages ardentes et délicates », écrit le moine bénédictin (anonyme) qui a préfacé le livre. Nous ne l’aurions pas mieux dit! Dans son livre, Gabrielle Vialla propose une méditation dense, lucide et profonde sur le féminin et sur la relation qui unit l’homme et la femme. Un livre d’une grande richesse, à lire et à relire, pour en recueillir toute la subtilité et pouvoir, à notre tour, recevoir le féminin et l’estimer à sa juste valeur.

MMH [Madeleine-Marie Humpers]

Article paru sur CathoBel le 20 juin 2018: https://www.cathobel.be/2018/06/20/recevoir-le-feminin-pour-depasser-la-blessure-du-peche-originel/

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