Disparue, la mantille ? Que nenni ! Le
dimanche matin, à Bruxelles, des jeunes femmes vont à la messe et remettent la
mantille au goût du jour. Pourquoi choisir de porter ce léger voile de
dentelle? Afin de mieux comprendre leur choix, nous leur avons posé quelques
questions…
Anne-Chantal a 26 ans. Elle est professeure de français. Pour
elle, comme pour son amie Madeleine, la mantille exprime le mystère féminin. Un
choix mûrement réfléchi.
À la question « Depuis quand portez-vous la
mantille ? »,
Anne-Chantal répond: « Cela va faire deux
ans que je porte la mantille. Pour moi, porter la mantille était comme un appel
mystérieux, à la fois raisonné et dépassant cette même raison. Je m'explique.
Quand j'ai décidé de porter la mantille, j'étais très consciente de deux
choses, la première: que c'était un choix sérieux auquel je voulais être fidèle
au quotidien, tout en gardant une souplesse face aux circonstances. La
deuxième: que les raisons qui m'avaient poussée à la porter étaient solides (la
demande très claire de Saint Paul et la tradition pluriséculaire de l'Eglise).
Pourtant j'en comprendrais la portée plus profondément encore avec le temps, en
la portant ».
Quant
à Madeleine, elle raconte: « J’ai commencé à
porter une mantille dès les premières semaines qui ont suivi mon baptême, il y
a à peu près un an. C’est à ce moment-là aussi que j’ai découvert le rite traditionnel.
Avant ça, je portais souvent un voile quand je priais seule chez moi, mais
je n’en mettais pas à l’église car, dans le rite ordinaire, le voile n’est pas
habituel. Je ne voulais pas dénoter ou paraître excessivement zélée ».
Humilité et abandon
Pour
Anne-Chantal, porter la mantille a d’abord représenté un « saut dans le
vide » : c’était « s'engager à quelque
chose sans en comprendre toute la teneur et du coup, ce qui est encore plus
difficile, assumer que ce ne soit pas vraiment compréhensible pour ceux que mon
choix étonnait ».
À
l’heure actuelle, Anne-Chantal vit le port de la mantille comme un
apprentissage, l’encourageant à l’humilité et à l’abandon au Christ: « Aujourd'hui, j'ai
déjà beaucoup avancé, grâce à Dieu. Sans pouvoir dire que j'ai tout compris, je
comprends déjà à quel point le port de la mantille n'est pas une décoration
dans ma vie spirituelle. La mantille me porte au quotidien, aussi bien quand je
la porte que quand je ne la porte pas. Ainsi par exemple, elle m'apprend l'humilité.
Ne pas comprendre exactement, ne pas pouvoir l'expliquer, se sentir seule
parfois... et par là aussi l'abandon et la fidélité. Être fidèle à l'appel
qu'on a reçu malgré les difficultés, les incompréhensions, les mauvaises
passes… Le port de la mantille est donc pour un exercice quotidien de l'abandon
au Christ. »
Et
d’ajouter :
« Je n'ai pas porté la mantille parce que je me sentais bien, au
contraire, on ne se sent pas forcément bien de se sentir remarquée à cause de
la mantille. Paradoxalement, c'est peut-être même cette humiliation qui m'a
encouragée à continuer à la porter ».
Vie intérieure
Pour
Madeleine, « voiler,
recouvrir, ce peut être une manière de révéler qu’il y a, sous le voile, un
mystère ». Anne-Chantal ajoute quant à elle : « Porter la mantille
était pour moi se mettre entièrement sous le regard de Dieu. C'est mettre de
côté les considérations humaines pour se concentrer sur l'essentiel. Quand on
regarde dans une église, tout ce qui est voilé est sacré. Ce n'est donc pas un
dénigrement, mais c'est une façon d'en protéger le mystère. Ainsi en va-t-il du
mystère de la Sainte Vierge. Elle est habillée de façon très simple, modeste et
est toujours voilée. Porter la mantille est donc aussi reconnaître le mystère
spécifique de la femme, et même plus… Montrer qu'elle a un mystère à cacher,
c'est aussi se concentrer sur notre intériorité plutôt que sur notre aspect
extérieur ».
Avec
la mantille, la dimension invisible de la personne est symbolisée par le
voilement. Pour
Anne-Chantal, le voile symbolise « le mystère de
la vocation féminine »: cette dernière « est à la fois
cachée et omniprésente, religieuse, presque mystique ». Elle ajoute
que la mantille
« est le point de recontre entre le mystère, qu'elle voile, et son
incarnation ». « La mantille évoque
pour moi la vie intérieure », précise la jeune femme.
Anne-Chantal
dément l’idée selon laquelle, avec la mantille, l'Eglise, par peur de la
beauté, tendrait à voiler la beauté spécifique de chaque femme : « Le port de la
mantille est beaucoup plus profond que cela. En se voilant, les femmes voilent
effectivement ce qu'on pourrait considérer leur beauté personnelle, mais en le
faisant, elles la confient à Dieu lui-même. Elles s'en remettent à Dieu. En ce
sens, la mantille est également le signe de l'abandon à Dieu et de leur vie
intérieure. N'est-ce pas respecter vraiment les femmes que de faire primer la
beauté intérieure sur la beauté physique ? ».
Assumer son choix
Anne-Chantal
raconte la fascination que lui inspirait la mantille, qu’elle avait vu porter
par d’autres femmes, avant de choisir de la porter à son tour: « La mantille m'a
toujours fascinée bien qu'elle fut considérée comme "rétrograde",
"pas de notre temps", etc. La fascination est toujours difficile à
expliquer, mais je me souviens de l'élégance des dames qui la portaient, une
distinction humble, pieuse qui donnait envie d'avoir les mêmes vertus et [en
même temps] le fait que les dames qui portaient la mantille semblaient assumer
ce choix dans ses conséquences: savoir qu'on se met à part en la
portant ».
Lorsque
nous leur demandons si, dans leur famille, d’autres femmes portent la mantille,
Anne-Chantal et Madeleine répondent toutes deux par la négative. « Sans avoir été
critiquée, raconte Anne-Chantal, je ne me suis pas
vraiment sentie encouragée non plus. Pourtant, entre-temps, ma mère m'a offert
des mantilles et une de mes sœurs en porte une de temps en temps aussi ».
Un choix contagieux ! Pour Madeleine,
qui a été baptisée à l’âge adulte, cette pratique n’était évidemment pas de
mise. Il s’agit d’une décision libre: « J’ai décidé de
porter la mantille de mon propre chef, de manière indépendante et dans un cadre
strictement catholique ». Elle ajoute: « Cela ne me
dérangerait pas de porter un voile ou une mantille même en-dehors de l’église,
étant donné que la symbolique du voile est très belle et très riche. Le
problème, c’est que le voile s’est retrouvé au centre de débats sur les femmes
musulmanes. Du coup, le voile a, en quelque sorte, échappé aux femmes
chrétiennes. »
Et les hommes?
À
l’église, traditionnellement, les femmes se couvrent et les hommes se
découvrent en ôtant leur chapeau: « Dans notre culture, explique
Anne-Chantal, un
homme se découvre par déférence : en saluant quelqu'un, en passant devant une
église, etc., exprimant de cette façon son humilité. Tout simplement, il me
semble qu'à l'inverse, les dames se voilent par humilité ». Mais
ne serait-ce alors qu’ne simple question de culture ? Pour Anne-Chantal,
cette réponse est trop simple. Elle voit dans ce mouvement conjoint un signe de
complémentarité. Néanmoins, il est vrai que le chapeau se fait rare chez les
hommes. Qu’à cela ne tienne: « j'ai compris
qu'il ne faut pas attendre des autres qu'ils agissent pour agir. Souvent, et
cela se voit de façon très particulière dans le Nouveau Testament, les dames
agissent en premier, ouvrant ainsi la voie aux hommes […] Ce qui me semble
important par contre, est cette complémentarité qu'il y a entre les deux ».
À Bruxelles,
Anne-Chantal et Madeleine ne sont pas seules à redécouvrir l’usage de la
mantille. Bien qu’elle se soit raréfiée, cette dernière n’en demeure pas moins
le symbole d’une féminité mystérieuse, dédiée à Dieu et gardant comme but
ici-bas, une complémentarité harmonieuse entre l’homme et la femme, dans la
fidélité.
Madeleine-Marie Humpers
Image:
Madeleine-Marie H. - Tous droits réservés
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