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vendredi 15 mars 2019

Face à l’hypersexualisation: réconcilier pudeur et féminité

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Trop souvent la femme est présentée sous l’angle d’un érotisme provocateur. Et des adolescentes de plus en plus jeunes pensent que c’est en adoptant ce modèle qu’elles deviendront de vraies femmes. Comment déjouer concrètement ce phénomène?

La mode, ne serait-ce pas un sujet un peu trop léger, et même futile? Pas tant que ça… La pudeur prend toute sa valeur quand elle est vécue au quotidien, dans le concret de nos vies à chacun, et surtout, à chacune. Certes, elle n’est pas l’apanage des femmes, mais celles-ci sont confrontées à une tendance particulière, que de nombreux auteurs nomment hypersexualisation des filles et des femmes.
Qu’entend-t-on par « hypersexualisation » ? Pour la sexologue Sophie Morin, « l’hypersexualisation est le fait de sexualiser une chose qui ne l’est pas en soi ». Autrement dit, à travers la publicité, la mode, les médias et finalement, la société de manière générale, la féminité n’est abordée que sous l’angle de l’érotisme, de la séduction et du désir sexuel.

Mode et hypersexualisation
Aurélia Mardon, docteur en sociologie, s’est intéressée à la jeunesse, à la socialisation et aux pratiques corporelles. Elle évoque l’expression symptomatique de « mode perverse des enfants-femmes », une formule qui vise particulièrement un phénomène croissant, et inquiétant: celui de filles qui, de plus en plus jeunes, adoptent des comportements de « ‘ petites femmes’ sexy », un comportement qui résulte, selon la sociologue, « d’une segmentation des marchés qui les cible comme consommatrices »*. Elle évoque des magasins qui « proposent par exemple des modèles de strings spécialement pensés pour les adolescentes ». Or Aurélia Mardon souligne que la difficulté vient justement du fait que les jeunes adolescentes intègrent profondément l’injonction à adopter un comportement suggestif, au point d’en faire un critère de socialisation :
« On oublie souvent de rappeler que si les filles s’inscrivent dans de telles démarches ou sont tentées de le faire, c’est que ces comportements servent de support à leur sociabilité. Y adhérer, c’est non seulement pour elles une manière d’affirmer qu’elles grandissent, mais aussi de marquer leur adhésion aux normes du groupe des filles dans lequel elles sont insérées. Ceci explique que nombre de celles qui s’estimaient trop jeunes pour porter certains vêtements issus du vestiaire féminin adulte, modifient leur point de vue en entrant au collège et par l’intermédiaire des pratiques et discours de leurs pairs ».
La mode incite donc les jeunes filles à être « sexy », un anglicisme qui pourrait trouver son équivalent en français dans la définition qu’en propose le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) qui a été créé en 2005 par le CNRS au sein de l’Université de Nancy (France) : « qui suscite le désir charnel », en parlant d’un vêtement ou « qui a des formes physiques attrayantes, un comportement provocant » en parlant d’une femme. Mais n’est-ce pas intriguant que, pour ces jeunes adolescentes, devenir une femme rime nécessairement avec une forme de séduction aguichante et provocatrice ? En fait, l’hypersexualisation des jeunes filles présuppose d’abord l’hypersexualisation des femmes. La féminité et même, d’ailleurs, la séduction, doivent-elles forcément passer par une attitude aguichante ? Qu’en est-il de la pudeur ? Ne ferait-elle donc pas bon ménage avec la féminité ?

La mode « modeste »
Récemment, une jeune femme, Virginie Vota, témoignait sur YouTube« Autrefois je ne me trouvais pas jolie sans décolleté, ou si je ne montrais pas mes jambes ». Après avoir pris conscience que « les vêtements que vous choisissez de porter reflètent qui vous êtes intérieurement », elle a décidé de changer de style en optant pour des tenues plus « modestes ». Rappelons qu’autrefois en français, le terme « modestie » pouvait signifier « pudeur ». Si cet emploi a un peu vieilli, il n’en reste pas moins qu’en 1927 encore, l’écrivain Paul Bourget décrivait l’un de ses personnages en soulignant « la grâce correcte de ses manières, la modestie de sa tenue et de ses gestes »**. En anglais de même, modesty peut signifier « modestie » mais aussi « pudeur ». La « mode modeste » (de l’anglais modest clothing), signifie donc simplement « mode décente » ou « pudique ». Mais concrètement, comment s’habiller de manière à exprimer la pudeur ? La YouTubeuse remarque que cela n’est pas simple: « Dans les magasins, il devient extrêmement difficile de trouver des vêtements ‘modestes’ ou décents ». Elle a dû par ailleurs se défaire d’anciens clichés et découvrir qu’il existe une manière d’être femme tout en étant à la fois décente, distinguée et… très féminine: « La première fois qu’une amie m’a parlé de ‘modestie vestimentaire’, j’avais comme cliché mental l’idée que la modestie catholique ou chrétienne, c’était la robe jusqu’au pied, le sac informe, le gros T-shirt large… Pour moi, c’était affreux ! Et puis je me suis renseignée, et j’ai découvert ce qui m’a semblé être le paroxysme de la féminité et de l’élégance, de la délicatesse et de la distinction ».
En Russie, Katerina Dorokhova tord le cou à la fausse croyance selon laquelle, pour être féminine, il faut nécessairement s’exhiber. Mannequin, elle a créé sa propre marque pour prouver qu’une femme peut être belle et même attirante sans se dévêtir. Elle a d’ailleurs renoncé au pantalon, en privilégiant les jupes et les robes afin de valoriser un style vestimentaire proprement féminin. Selon la journaliste polonaise Tatiana Fedorchenko, l’idée est ici de « faire rayonner la chasteté des femmes »***. Pour soutenir son projet, elle a élaboré le concept de « mode pure » (Чистая мода, « Tchistaya Moda » ou « Pure Fashion »), du même nom que la marque. Celle-ci « a conquis des dizaines de milliers de personnes, note encore Tatiana Fedorchenko. Grâce à sa personnalité unique, Katerina Dorokhova a pu aller à l’encontre de l’industrie de la mode. Son exemple prouve qu’il est possible de réussir sans trahir ses idéaux et mieux encore: en suivant ses idéaux ».
En Belgique et en France, il n’existe pas de marque de vêtements décents de l’ampleur de la « Tchistaya Moda » russe. A défaut, sur la page Facebook de « Femme à part », Thérèse, l’administratrice, une jeune femme de vingt-neuf ans, partage avec celles qui le souhaitent diverses occasions d’achat de jupes et de robes de différentes marques et sur différentes sites, par exemple Un Jour AilleursMademoiselle Grenade ou encore la marque polonaise Marie-Zélie. Les jupes vont au minimum jusqu’aux genoux et, pour les robes, Thérèse évite les décolletés plongeants. Mais la page « Femme à part » et le site du même nom ne se limitent pas à cela: ils contiennent aussi des réflexions diverses, des conseils de lecture ou encore des citations: « Quand les femmes perdent de vue leur vocation à la sainteté, le monde entier se perd » de Crystalina Evert (écrivaine américaine, elle est l’auteure d’ouvrages tels que Pure Womanhood. Ses livres n’ont malheureusement pas été traduits en français), « Vous voulez changer le monde? Commencez par vous changer vous-même, sinon vos efforts seront vains » (Saint Ignace de Loyola), et bien d’autres… Signalons aussi le site de vente en ligne Etsy, où il est possible de trouver des robes et des jupes vintage ou réalisées de manière artisanale, et d’une certaine longueur.
En somme, face à l’hypersexualisation des jeunes filles et les femmes, il existe une manière très simple de résister: être soi-même distinguée, élégante et belle d’une beauté qui n’omet pas la décence et la pudeur, mais qui s’ancre pleinement dans la conscience d’être appelée à la sainteté. Une démarche d’autant plus urgente qu’il est grand temps d’offrir aux jeunes filles des exemples qui leur permettront de devenir, à leur tour, des femmes qui, conscientes de leur valeur, sauront refuser un modèle de séduction basé uniquement sur la dimension charnelle. Concluons avec cette citation de l’écrivaine Jo Croissant, auteure de nombreux ouvrages aux éditions des Béatitudes et notamment de La femme ou le sacerdoce du cœur« La beauté fait partie de la grâce de la femme. La femme est belle, mais sa beauté ne vient pas de la régularité de ses traits, elle vient de la présence de Dieu en elle, de la lumière intérieure qui illumine ses traits. C’est Dieu en nous qui est beau ».

Madeleine-Marie Humpers

* Aurélia Mardon, « La génération Lolita. Stratégies de contrôle et de contournement », dans « Réseaux »2011/4 (n° 168-169), p. 111-132.
**Paul Bourget, Nos actes nous suivent, Paris, Plon, 1927
***Tatiana Fedorchenko , « Katerina Dorokhova: biografia, działania i informacje zwrotne. Suknie Kateriny Dorohovoy: przegląd » (disponible en ligne ici)

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