Trop souvent la femme est
présentée sous l’angle d’un érotisme provocateur. Et des adolescentes
de plus en plus jeunes pensent que c’est en adoptant ce modèle qu’elles
deviendront de vraies femmes. Comment déjouer concrètement ce phénomène?
La mode, ne serait-ce pas un sujet un peu trop léger, et même futile? Pas tant que ça… La pudeur prend
toute sa valeur quand elle est vécue au quotidien, dans le concret de
nos vies à chacun, et surtout, à chacune. Certes, elle n’est pas
l’apanage des femmes, mais celles-ci sont confrontées à une tendance
particulière, que de nombreux auteurs nomment hypersexualisation des
filles et des femmes.
Qu’entend-t-on par « hypersexualisation » ? Pour la sexologue Sophie Morin, « l’hypersexualisation est le fait de sexualiser une chose qui ne l’est pas en soi ».
Autrement dit, à travers la publicité, la mode, les médias et
finalement, la société de manière générale, la féminité n’est abordée
que sous l’angle de l’érotisme, de la séduction et du désir sexuel.
Mode et hypersexualisation
Aurélia
Mardon, docteur en sociologie, s’est intéressée à la jeunesse, à la
socialisation et aux pratiques corporelles. Elle évoque l’expression
symptomatique de « mode perverse des enfants-femmes », une formule qui
vise particulièrement un phénomène croissant, et inquiétant: celui de
filles qui, de plus en plus jeunes, adoptent des comportements de « ‘
petites femmes’ sexy », un comportement qui résulte, selon la
sociologue, « d’une segmentation des marchés qui les cible comme consommatrices »*. Elle évoque des magasins qui « proposent par exemple des modèles de strings spécialement pensés pour les adolescentes ».
Or Aurélia Mardon souligne que la difficulté vient justement du fait
que les jeunes adolescentes intègrent profondément l’injonction à
adopter un comportement suggestif, au point d’en faire un critère de
socialisation :
«
On oublie souvent de rappeler que si les filles s’inscrivent dans de
telles démarches ou sont tentées de le faire, c’est que ces
comportements servent de support à leur sociabilité. Y adhérer, c’est
non seulement pour elles une manière d’affirmer qu’elles grandissent,
mais aussi de marquer leur adhésion aux normes du groupe des filles dans
lequel elles sont insérées. Ceci explique que nombre de celles qui
s’estimaient trop jeunes pour porter certains vêtements issus du
vestiaire féminin adulte, modifient leur point de vue en entrant au
collège et par l’intermédiaire des pratiques et discours de leurs pairs
».
La
mode incite donc les jeunes filles à être « sexy », un anglicisme qui
pourrait trouver son équivalent en français dans la définition qu’en
propose le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL)
qui a été créé en 2005 par le CNRS au sein de l’Université de Nancy
(France) : « qui suscite le désir charnel », en parlant d’un vêtement ou « qui a des formes physiques attrayantes, un comportement provocant » en
parlant d’une femme. Mais n’est-ce pas intriguant que, pour ces jeunes
adolescentes, devenir une femme rime nécessairement avec une forme de
séduction aguichante et provocatrice ? En fait, l’hypersexualisation des
jeunes filles présuppose d’abord l’hypersexualisation des femmes. La
féminité et même, d’ailleurs, la séduction, doivent-elles forcément
passer par une attitude aguichante ? Qu’en est-il de la pudeur ? Ne
ferait-elle donc pas bon ménage avec la féminité ?
La mode « modeste »
Récemment, une jeune femme, Virginie Vota, témoignait sur YouTube: « Autrefois je ne me trouvais pas jolie sans décolleté, ou si je ne montrais pas mes jambes ». Après avoir pris conscience que « les vêtements que vous choisissez de porter reflètent qui vous êtes intérieurement »,
elle a décidé de changer de style en optant pour des tenues plus «
modestes ». Rappelons qu’autrefois en français, le terme « modestie »
pouvait signifier « pudeur ». Si cet emploi a un peu vieilli, il n’en
reste pas moins qu’en 1927 encore, l’écrivain Paul Bourget décrivait
l’un de ses personnages en soulignant « la grâce correcte de ses manières, la modestie de sa tenue et de ses gestes »**. En anglais de même, modesty peut signifier « modestie » mais aussi « pudeur ». La « mode modeste » (de l’anglais modest clothing),
signifie donc simplement « mode décente » ou « pudique ». Mais
concrètement, comment s’habiller de manière à exprimer la pudeur ? La
YouTubeuse remarque que cela n’est pas simple: « Dans les magasins, il devient extrêmement difficile de trouver des vêtements ‘modestes’ ou décents ».
Elle a dû par ailleurs se défaire d’anciens clichés et découvrir qu’il
existe une manière d’être femme tout en étant à la fois décente,
distinguée et… très féminine: « La première fois qu’une amie m’a
parlé de ‘modestie vestimentaire’, j’avais comme cliché mental l’idée
que la modestie catholique ou chrétienne, c’était la robe jusqu’au pied,
le sac informe, le gros T-shirt large… Pour moi, c’était affreux ! Et
puis je me suis renseignée, et j’ai découvert ce qui m’a semblé être le
paroxysme de la féminité et de l’élégance, de la délicatesse et de la
distinction ».
En
Russie, Katerina Dorokhova tord le cou à la fausse croyance selon
laquelle, pour être féminine, il faut nécessairement s’exhiber.
Mannequin, elle a créé sa propre marque pour prouver qu’une femme peut
être belle et même attirante sans se dévêtir. Elle a d’ailleurs renoncé
au pantalon, en privilégiant les jupes et les robes afin de valoriser un
style vestimentaire proprement féminin. Selon la journaliste polonaise
Tatiana Fedorchenko, l’idée est ici de « faire rayonner la chasteté des
femmes »***. Pour soutenir son projet, elle a élaboré le concept de «
mode pure » (Чистая мода, « Tchistaya Moda » ou « Pure Fashion »), du
même nom que la marque. Celle-ci « a conquis des dizaines de milliers de personnes, note encore Tatiana Fedorchenko. Grâce
à sa personnalité unique, Katerina Dorokhova a pu aller à l’encontre de
l’industrie de la mode. Son exemple prouve qu’il est possible de
réussir sans trahir ses idéaux et mieux encore: en suivant ses idéaux ».
En
Belgique et en France, il n’existe pas de marque de vêtements décents
de l’ampleur de la « Tchistaya Moda » russe. A défaut, sur la page
Facebook de « Femme à part », Thérèse, l’administratrice, une jeune
femme de vingt-neuf ans, partage avec celles qui le souhaitent diverses
occasions d’achat de jupes et de robes de différentes marques et sur
différentes sites, par exemple Un Jour Ailleurs, Mademoiselle Grenade ou encore la marque polonaise Marie-Zélie.
Les jupes vont au minimum jusqu’aux genoux et, pour les robes, Thérèse
évite les décolletés plongeants. Mais la page « Femme à part » et le
site du même nom ne se limitent pas à cela: ils contiennent aussi des
réflexions diverses, des conseils de lecture ou encore des citations: « Quand les femmes perdent de vue leur vocation à la sainteté, le monde entier se perd » de Crystalina Evert (écrivaine américaine, elle est l’auteure d’ouvrages tels que Pure Womanhood. Ses livres n’ont malheureusement pas été traduits en français), « Vous voulez changer le monde? Commencez par vous changer vous-même, sinon vos efforts seront vains » (Saint Ignace de Loyola), et bien d’autres… Signalons aussi le site de vente en ligne Etsy, où il est possible de trouver des robes et des jupes vintage ou réalisées de manière artisanale, et d’une certaine longueur.
En
somme, face à l’hypersexualisation des jeunes filles et les femmes, il
existe une manière très simple de résister: être soi-même distinguée,
élégante et belle d’une beauté qui n’omet pas la décence et la pudeur,
mais qui s’ancre pleinement dans la conscience d’être appelée à la
sainteté. Une démarche d’autant plus urgente qu’il est grand temps
d’offrir aux jeunes filles des exemples qui leur permettront de devenir,
à leur tour, des femmes qui, conscientes de leur valeur, sauront
refuser un modèle de séduction basé uniquement sur la dimension
charnelle. Concluons avec cette citation de l’écrivaine Jo Croissant,
auteure de nombreux ouvrages aux éditions des Béatitudes et notamment
de La femme ou le sacerdoce du cœur: « La beauté fait
partie de la grâce de la femme. La femme est belle, mais sa beauté ne
vient pas de la régularité de ses traits, elle vient de la présence de
Dieu en elle, de la lumière intérieure qui illumine ses traits. C’est
Dieu en nous qui est beau ».
Madeleine-Marie Humpers
* Aurélia Mardon, « La génération Lolita. Stratégies de contrôle et de contournement », dans « Réseaux »2011/4 (n° 168-169), p. 111-132.
**Paul Bourget, Nos actes nous suivent, Paris, Plon, 1927
***Tatiana
Fedorchenko , « Katerina Dorokhova: biografia, działania i informacje
zwrotne. Suknie Kateriny Dorohovoy: przegląd » (disponible en ligne ici)
Publié le 21 juin 2018 sur BelgiCatho : http://belgicatho.hautetfort.com/archive/2018/06/21/face-a-l-hypersexualisation-reconcilier-pudeur-et-feminite.html
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