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mercredi 13 mars 2019

Les neuf manières de prier de Saint Dominique

Le corps ne doit pas être négligé ou méprisé. L’exemple de saint Dominique le rappelle. Ni mépris, ni culte du corps: appelé à la résurrection, ce dernier doit être sanctifié. C’est dans cet esprit que Saint Dominique vivait ses temps de prière…
 
Prier, c’est s’adresser à Dieu. La liturgie met en avant, avec une forte insistance, la « Parole ». La dimension verbale est ainsi très soulignée en ce qui concerne la prière. Ne risque-t-on pas d’oublier qu’il existe un langage non-verbal, un langage du corps? Certes, Jésus est le Verbe, la « Parole », le logos… mais il est le Verbe fait chair. C’est l’Incarnation. Jésus n’est pas qu’un pur esprit, il est un homme de chair et de sang. Il a versé son sang et livré son corps.
Au Moyen-âge, l’attitude de Saint Dominique (117? – 1221), fondateur de l’Ordre des Prêcheurs, a retenu l’attention de ses proches. Les frères qui l’accompagnaient ont observé, lorsqu’il priait, neuf manières de se tenir. Ces observations ont donné lieu à un traité, les Neuf modes de prière de saint Dominique (« De modo orandi corporaliter sancti Dominici ») .

Quand saint Dominique priait…

Quelles étaient ces neuf manières de prier? À certains moments, saint Dominique se prosternait devant l’autel (prière des inclinations). Ou bien il « priait entièrement étendu la face contre terre » (prière des prostrations). Il lui arrivait aussi de se rendre devant l’autel et de s’agenouiller et, « le regard fixé sur le crucifix, il le considérait avec une incomparable pénétration » (prière des regards). À d’autres moments, le saint priait « les mains étendues devant la poitrine à la façon d’un livre ouvert » (prière des mains). Celle que l’on nomme prière de « violence » n’est pas violente en apparence, mais elle consiste à adopter l’attitude de Jésus crucifié, ainsi saint Dominique priait « les mains ouvertes, les bras fortement tendus en forme de croix, et debout, le corps bien droit autant qu’il le pouvait ». Parfois, le saint se tenait « à la manière d’une flèche qu’un arc bien tendu aurait lancée droit dans l’azur » (prière d’imploration). Ou encore, « paisiblement il s’asseyait, et après avoir fait le signe de la croix, il lisait dans quelque livre ouvert devant lui; son âme éprouvait alors une douce émotion, comme s’il eût entendu le Seigneur lui-même lui adresser la parole » (prière d’intimité). Lorsqu’il était en voyage, saint Dominique priait également en marchant (prière en chemin). Enfin, la prière du « sang » consistait à se donner la « discipline ». Les Dominicaines Missionnaires Adoratrices précisent que: « Si cet usage n’est plus en vigueur dans l’Ordre maintenant, l’obligation demeure cependant, et plus que jamais, de prier pour nos péchés et pour ceux du monde entier! ». C’était bien le sens profond de cette pratique, qui consistait à prendre part à la Croix du Christ, par compassion, par charité et par amour. Il ne s’agissait ni de dolorisme, ni de masochisme, ni même d’un quelconque mépris du corps.

Ni mépris, ni culte du corps

En effet, du point de vue catholique, le corps n’a rien de méprisable en lui-même. Il est appelé à être sanctifié, et non détruit. Il ne faut pas lui rendre un culte, mais il ne faut pas non plus le déprécier, l’ignorer ou le réduire à néant.
Dans l’Antiquité, le gnosticisme, influencé par le platonisme, affirmait le contraire. Les courants gnostiques opposaient corps et âme: le corps ne serait qu’une prison matérielle, et l’âme devrait, selon ces courants, s’en séparer pour en être délivrée. L’influence gnostique a traversé les siècles jusqu’à aujourd’hui. On la retrouvait au Moyen-âge dans l’hérésie cathare. Tout récemment, la Congrégation pour la doctrine de la foi pointait un « certain néo-gnosticisme ». Là où cette tendance se fait sentir, le Salut ne serait qu’une affaire de connaissance, comme si l’intelligence seule permettait de s’initier aux mystères divins, au profit d’une foi purement et exclusivement intellectuelle : « […] un certain néo-gnosticisme présente un salut purement intérieur, enfermé dans le subjectivisme. Ce salut consiste à s’élever ‘par l’intelligence au-delà de la chair de Jésus jusqu’aux mystères de la divinité inconnue’ «  (Lettre Placuit Deo, du 1er mars 2018).
Loin de toute influence gnostique, saint Dominique a combattu, par le raisonnement et la persuasion, les cathares qui, prétendant à une certaine « pureté », méprisaient profondément le corps et ne voyaient dans la matière et dans le monde visible que l’œuvre de Satan. Saint Dominique, lui, priait Dieu avec tout son être, corps et âme…

Le corps dans la prière

Le catholicisme n’ignore pas la valeur de la gestuelle lors de la prière, comme en témoigne saint Dominique. Pour la prière individuelle, c’est-à-dire en-dehors de la messe et des offices, il n’est d’ailleurs pas interdit de s’en inspirer. Et à la messe? On se lève, on s’assied, on s’incline… et, de plus en plus rarement, on s’agenouille. Ces quatre manières de se tenir ont chacune leur place et leur importance.
L’unité du corps et de l’âme vécue à travers la gestuelle durant la prière est soulignée dans bien d’autres cultures et traditions. Le christianisme, en ce sens, n’est donc pas une exception. L’exception tient en l’Incarnation. Pourquoi Dieu se serait-il fait chair, si la chair était méprisable ? Et pourquoi affirmerions-nous, dans le Credo, que nous croyons à la « résurrection de la chair », si notre destinée revenait à n’être que de « purs esprits » ou des intelligences désincarnées?
Alors comment se tenir lorsque l’on prie? L’exemple de saint Dominique ne devrait pas être seulement imité, mais compris en profondeur. De la prière à genoux, par humilité ou dans un esprit de pénitence, à la prière en chemin, ou tout simplement assis en méditant un livre, il se tourne chaque fois entièrement vers Dieu. Dieu est au cœur de sa prière lorsqu’il lit, lorsqu’il souffre, lorsqu’il voyage, lorsqu’il s’agenouille, lorsqu’il se relève… Il n’y a pas un moment où Dieu soit absent, pas une attitude qui L’exclurait d’aucune manière. Avec saint Dominique, rien ne barre la route à Dieu: ni culte du corps, ni mépris du corps. Au contraire, avec saint Dominique, le corps est au service de Dieu, pour Dieu et sanctifié par Dieu.

MMH [Madeleine-Marie Humpers]

Image: Domaine public

Article publié le 31 mai 2018 sur CathoBel: https://www.cathobel.be/2018/05/31/les-neuf-manieres-de-prier-de-saint-dominique/

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